top of page

Ouessant ou la magie d'ailleurs...

 

Ouessant... que dire de cette petite terre au milieu de l'océan... L'arrivée au Stiff ressemble à tout... sauf à un port de France... comme perdu dans un fjord étranger, loin de la terre. On se sent "ailleurs", parti au paradis en restant en vie... Une sensation bizarre de bien être, une sensation de terre inconnue.

 

On a loupé volontairement le car qui fait la navette de l’embarcadère à la ville de Lampaul. Pour mieux voir, mieux s’imprégner et surtout ne pas perdre ce rêve éveillé. En haut de la petite cote, Ouessant se livre dans la brume. Spectacle indescriptible, presque je pleure. Pourquoi? je n'en sais rien. Une émotion. C'est inexplicable. Penn Arlan se livre et nous prenons le chemin par la côte. Et d'un coup... Kéréon! Ouha! Il est là celui qui m'a fait rêver. Perdu dans la mer, au milieu de ces courants marins qui ressemblent à une véritable lessiveuse. Sa silhouette inatteignable se dessine dans la brume sur fond d'océan. Port de Penn Arlan, petit port de mouillage camouflé derrière sa digue qui le protège des assauts des vagues. Sa plage de sable, l'eau entre bleue et turquoise. Il bruine, c'est magique car c'est ça aussi Ouessant! On attrape le petit sentier entre lande et fougères qui longent la mer. Il est étroit, juste la place du pied. J'ai les pieds trempés et le pantalon mouillé, mon sac me fait mal aux épaules mais je suis heureux. Tout m’émeut, je réagis comme un enfant qui vient de voir le père noël. Rochers sculptés par la mer, lande, pointes, criques, quelques oiseaux, des lapins. Beaucoup de lapins à en croire les crottes séchées sur le sentier. On aperçoit Lampaul. Au loin... c'est loin... Mais toujours aussi émerveillé du spectacle Ouessantin! 3h après nous traversons le village, en haut de la cote, sur la route du Créac'h nous attend notre chambre d’hôte, on va pouvoir enfin se libérer de nos sacs! Petite discussion avec notre hôte ouessantine et nous voila repartis! Encore à pied? Et oui, Ouessant se mérite! Elle demande des efforts pour se livrer à nos yeux! Jolies maisons typique qui bordent la route qui mène au Créac'h. Les volets bleus, les façades crépies ou en pierres de granit, le muret de pierre sèche. La petite Irlande! C’est là qu'on peut s'apercevoir qu'on est vraiment en terre celtique.

 

Et... le créac'h, entier, majestueux se dresse au loin. Majestueux, grandiose, imposant... La corne de brume sonne! Elle nous rappelle qu'on est dans la brume! La lande, les moulins à vent, le phare, l'océan... tout Ouessant.

 

Contemplation du phare, de la cote, de ses rochers, de ses sculptures que la mer à créée en érodant la roche... On croit voir une femme, un animal, l'imagination déborde aidée par le souvenir des légendes qu'on a pu lire! Tiens! au loin, il est là, Nividic et ses deux pylônes! là, au bout de la cote, au bout de la lande. On ne sait plus, terre et mer ne font plus qu'un. Des murets au milieu de la lande, oui c'est vraiment un pays celte! Et voici le phare devant nous! Il est fier, Nividic! Nous aussi, nous sommes fiers! Fiers d’être là! On est toujours trempé... mais on ne sent plus rien tellement l'ile et nous ne sommes plus qu'un. Des ruines. Elles produisaient l’électricité et les deux pylônes amenaient le courant au Nividic.

 

Retour vers Lampaul par le coté sud de la pointe de Pern. Une maison en granit, des volets bleus, un muret autour et une bicyclette posée devant, sur le muret. Un autre temps une autre vie. Ouessant où se mêlent le temps passé et le temps futur. Deux générations, un choc visuel. Oui, on est vraiment "ailleurs".

 

Un café au bar pour se réchauffer et un bon restaurant afin de reprendre des forces après cette longue marche sur l'ile. C'était l'anniversaire de Guillaume, donc fêtons le dignement sous la protection de la duchesse Anne (de Bretagne!)! Un bon chouchen et un bon pommeau de très bonne qualité et nous voila penché sur le menu. Choix difficile, on aimerait tout! Décidons! Entre terre et mer pour un et coquille st Jacques à la fondue de poireau pour l'autre! J’en rêve encore! Filets de porc au cidre et un bon kouign amann avec une jolie boule de glace vanille que je présume maison! le tout arrosé d'un bon cidre! On n'a plus faim! on va se coucher? Vous y avez cru! Et bien NON! On continue! Et nous voila reparti vers le Créac'h pour le voir briller la nuit! 2km et demi de marche pour un spectacle éblouissant! 8 faisceaux de lumière se dégagent de sa lentille. Un balaie de lumière somptueuse! Rentrons nous coucher, j'en ai vu assez pour aujourd'hui gardons nos images pour dormir avant qu'elles se mélangent dans nos têtes.

 

Du velux de la chambre je vois passer le halo du Créac'h et le matin a 7h j'entends sonner la corne, je n'ai pas rêvé, je suis bien à Ouessant!

 

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas! Sitôt la brume levée, Ouessant se découvre sous un soleil éclatant! Un ciel bleu profond et limpide, que l'humidité terrestre de la pluie fait davantage ressortir. Les couleurs sont superbes, les contrastes encore plus dessinés. C'est la palette du peintre Ouessantin! Petit déjeuner avec Christiane, notre Hôtesse, un bel échange sur la vie d'Ouessant et nous voila repartis requinqués. Mal aux pieds encore mais une envie folle de continuer notre rêve. Destination pointe de Porz Doun afin de saluer la Jument, la vieille dame, phare emblématique qui a fêté il y a peu ses 100 ans en 2011.

 

On descend la rue principale de Lampaul, et devant nous se découvre une belle plage de sable formant une anse. Magnifique! il fait chaud et pourtant on est en octobre! je suis en tee shirt! On traverse de petits hameaux typiques, maisons crépies de blanc, volets bleus, murets de pierre... On se dit "il est bien placé, lui! il est protégé par le créac'h d'un coté, Nividic au loin, le stiff au bout et de temps en temps la jument pour certains"! Une vue... Entre baie, rochers, phares... le vert de l'herbe, la couleur automne de la bruyère, se mêlent au bleu azur du ciel. La lande herbeuse qui tire à plat jusqu'au bout de la pointe avec, en fond, la Jument est féérique! Sauvage... indomptable... la vie à l'état pure, sans artifice... La mer légèrement agitée donne du tonus à l'image. La jument est là, devant nous, au loin, à l'horizon, les vagues balayant les rochers sortant de l'eau et laissant une trainée d'écume blanche immaculée. Devant, elle est là, à droite, se profile le Nividic et ses deux pylônes sur la pointe de Pern... des anses, des rochers, du bleue et du blanc, du vert, de l'ocre... Toujours la palette du peintre Ouessantin.

 

Retour au bourg, café et achat de parts de far et nous voila repartis vers le créac'h! les rues bordées de maisons sont encore plus belles sous le soleil! le blanc se reflète dans nos yeux, nous éblouie. Détour par la maison du Niou vers la cote nord, une petite halte au milieu des fougères pour déguster notre repas sucré qui va nous donner quelques forces et nous entrons dans les deux maisons typiques que forme le musée. De belles collections ouessantines dans la première et une reconstitution de l’ameublement typique dans l'autre. Meubles cloisons aux couleurs bleues et blanches, un peu de gaité intérieure quand on découvre dans le musée que la vie des habitants était rude. La femme faisait tourner la maison, les hommes étaient en mer, parfois pour 6 mois, voire des années quand ce n’était pas la mer qui avait pris l'homme pour ne jamais le rendre. C'est là que j'ai pris tout le sens du Proëlla, rituel particuliers à Ouessant attesté depuis 1734, l'enterrement fictif des noyés. L'homme le plus ancien de la parenté, dés que le syndic des gens de la mer a été prévenu de la disparition d'un ouessantin, se met en route à travers l'ile, entre chez tous les proches (parfois 60 à 80 maisonnées) et leur annonce le décès probable de la personne. "Ce soir il y aura proëlla chez ***".

 

Ce n'est qu'à la nuit tombée qu'il entrera dans la maison du mort et après avoir frappé doucement à la porte dira à la femme du noyé "ce soir il y a proëlla chez toi".

 

On en ressort sonné. Un peu d’histoire, un peu de la vie des ouessantins a pénétré en nous.

 

Un petit tour au créac'h afin de voir les vagues s’éclater sur les rochers, beau spectacle dont on ne se lasserait pas de contempler toute la journée. La vue est belle, le ciel est bleue, l'horizon si loin, mais y a t'il un horizon? la mer et le ciel se perdent dans une ligne si lointaine!

 

Ouessant et la magie de l'océan. Il nous rappelle que face à lui, nous ne sommes rien. Rien ne sert de faire le beau, de bomber le torse, il nous détruira s'il en a envie. La nature, plus forte que tout. D'une vague il aura tout balayé, le passé et le présent, en même pas une seconde... On arrive à comprendre que finalement, nous ne sommes rien, ni indispensable, ni sur humain, ni invincible. Nous sommes qu'humain, petite chose au milieu de l'immensité.

 

Il nous faut rentrer... rentrer? Déjà? On a du mal à se faire à l'idée. Un petit arrêt devant le moulin à vent restauré, sachant qu'avant il y en avait plus de 100... on prie pour que cette association qui s'occupe de réhabiliter les moulins du Finistère perdure. Ce serait dommage de tous les perdre. C'est notre passé si proche, un patrimoine, une vie, une histoire... Nous nous devons d’être le flambeau de ce qu'on nous a laissé et transmis. Le passé peut se mêler au futur mais n'en oublions pas les valeurs premières. C'est à Ouessant que nous cernons tout ça. Le temps n'a plus d'importance, tout est lié. Le passé se tire vers le futur et le futur doit se servir du passé. Il est la racine de l'arbre.

 

Un arrêt chez notre hôtesse pour récupérer nos sacs et nous voila au bus pour rejoindre l’embarcadère, on n'a plus le temps de faire la côte à pied. Le continent nous rappelle à une dure réalité, le temps redevient omniprésent.

 

Assis au bord du quai, devant le Fromveur II, attendant l'heure du départ, je suis triste et songeur. J'ai un vide, un manque, une sensation de partir trop tôt, de partir tout court. L'ile me manque déjà alors que j'y suis encore.

 

J'ai l'impression de l'abandonner, alors qu'elle n'est pas seule, mais j'ai le sentiment d'une trahison, en deux jours, elle m'a tant appris.

 

J'ai fait le serment d'y retourner...

 

Pensées sans corrections d'un tout petit terrien... Octobre 2013...

bottom of page